La compagnie des éparpillés, jeune troupe ayant ses bases sur Antibes, propose au public du Guitry. Guitry, c’est l’assurance d’un texte bien écrit, truffé de bons mots et destiné à nous faire rire. Jouer un auteur tel que Guitry peut sembler sans risque. En fait, il n’en est rien. Les textes millimétrés ne souffrent guère de l’amateurisme. Etre moyen ou mauvais avec un texte sans relief permet toujours de rejeter la faute de l’échec sur l’auteur. Avec Guitry, ce n’est pas possible, il faut que ça colle ! Avec les éparpillés ça colle et même et surtout ça décolle !
Il faut bien avouer que cette troupe pourrait être qualifiée, en référence à un homme du music hall, la troupe 100 000 volts. Deux comédiens et une comédienne interprètent Guitry avec une fougue et un plaisir de jouer communicatifs. Sur scène, ça pétille, ça bouge, ça s’enflamme, ça donne au spectateur une ivresse de belles tirades si bien lancées aux oreilles qu’elles semblent improvisées par les situations.
L’histoire est simple : un homme de son âge, de sa classe sociale et de son temps, tombe follement amoureux d’une jeune femme, belle et craquante. Elle ne le trouve pas spécialement beau, mais pour Guitry (assez dur avec les femmes dans la vie) peu importe la beauté de l’homme dès lors qu’une femme se donnera pour un manteau de vison. Le problème, c’est que la coquine ne se donne pas assez vite. Or, il est urgent que l’homme puisse avoir sa maitresse… Il se passe beaucoup de choses dans cette pièce, adaptation de quatre textes de Guitry, pour ne pas tomber dans l’écueil d’une pièce de boulevard ennuyeuse. Il y a du rythme et des rebondissements et toujours cette langue et ces beaux jeux de mots de Guitry.
L’homme en recherche de maîtresse est joué par Paul de Montfort. La belle ne le trouve pas beau, le public ne partagera sans doute pas cet avis. Le personnage de l’amant semble s’échapper du journal des frères Goncourt ou d’un tableau de Caillebotte. Paul de Montfort campe merveilleusement un homme mondain mais désargenté du 19eme siècle, version salon parisien. La maitresse est interprétée par Jennifer Chiama, formidablement délicieuse à voir et espiègle à souhait…le manteau de vison l’intéresse moins que les plaisirs de tenir entre ses bras un homme amoureux et manipulable L’époux de la maitresse est interprété par Fabien Buzenet qui est aussi le metteur en scène de ce spectacle. C’est un bel homme que l’on ne souhaite surement pas trouver sur son chemin quand on badine avec sa femme. Fabien Buzenet joue aussi un autre personnage…et c’est craquant.
En conclusion : vous êtes morose, fatigué et stressé par une année parsemée de drames, alors précipitez vous au pied de ce Guitry, vous n’en n’irez que mieux en sortant de ce spectacle. Les éparpillés savent se rassembler pour le plus grand plaisir du public.
Fred Lecoeur
(Publication initiale : 13 juillet 2016)