Arts

Le saxophone endiablé de Matt MEZ réveille l’humanité

Le confinement suscite parfois des instants en apesanteur. Un saxophoniste, Matt Mez, a donné à ses voisins un concert imprévu. Surprises dans la rue désertée. Peu à peu les gens sont sortis. Pendant quelques minutes, nous avons vu ce que pourrait être un monde où les gens se mêlent sans dangers et sans peur de l’autre.

En l’absence de public (confiné), les musiciens font partie des innombrables artistes qui ne peuvent plus pratiquer leur art sur une scène. La période est donc aux répétitions, recherches, innovations, compositions pour tuer ce temps dilaté dans un confinement imposé. Oui mais voilà, tourner et créer entre ses quatre murs, même si la distance qui les sépare est grande, peut conduire, au bout de quelques semaines, à des formes de découragement propices à la consommation effrénée de bières. L’homme n’est pas fait pour vivre longtemps enfermé. Le musicien a besoin de son public.

Matt Mez est un saxophoniste lillois talentueux. Il occupe des locaux dans un quartier de Lille dit populaire. Ses fenêtres donnent sur une rue sans cachet, sans grande âme mais où les gens vivent tranquilles. Depuis mars, presque plus personne

Droits : Matt Mez

ne passe dans la rue. Une sorte de petite mort s’est emparée de ce coin de ville. Le 8 avril 2020, avant 20 heures, les fenêtres de Matt se sont ouvertes. Les enceintes ont pivoté et se sont orientées côté rue. Chaussé de ses lunettes noires, muni de son saxophone, Matt Mez s’en est allé à la rencontre de ses voisins. Des voisins pour la plupart inconnus du musicien mais des voisins dont Matt était sûr qu’ils se morfondaient dans leur confinement.

La vidéo de son concert improvisé est visible sur la page Facebook de l’artiste. Elle vaut d’être vue et entendue car elle confirme, une fois de plus, l’effet rassembleur de la musique. Les premières notes s’égrènent dans une rue déserte. Au loin, les débauches orangées du soleil couchant commencent à enflammer le ciel. Autour du musicien, un chien joyeux qui gambade. Les notes s’amoncellent, se succèdent. Les rythmes dansants s’accélèrent et réveillent la rue de sa torpeur. Lentement, une à une, les personnes confinées commencent à sortir de leur prison. D’autres, passent la tête par leur fenêtre. On aperçoit des personnes timides, hésitantes, peu habituées à côtoyer de si près des gens qui pourtant vivent si près d’elles mêmes. Mais la musique fait des miracles. Les notes, les rythmes, la prestance du musicien attirent les riverains qui se rapprochent et se laissent chalouper par ce saxophone endiablé.

Une voiture blanche, banalisée, s’est approchée et s’est arrêtée. Ses occupants n’en sortent pas. Ils regardent Matt Mez jouer dans la rue. Ils l’observent se déplacer comme un félin. Le morceau terminé, alors que le musicien se prépare à entamer la suite du concert, la voiture blanche s’avance et stoppe à hauteur de l’artiste. C’est la BAC, la police, les flics… Matt explique sa démarche, les forces de l’ordre lui demandent de faire respecter les distances de sécurité et l’autorisent à continuer : miracle de la musique ! Matt reprend son saxophone, l’embouche et entraîne le public dans une spirale enchantée de notes.

La rue banale est devenue belle. Ce ne sont pas les feux orangés du soleil couchant qui la rendent belle, ce ne sont pas les notes magiques de Matt Mez qui magnifient cette rue… ce qui la rend belle et séduisante, c’est la générosité d’un musicien qui joue pour des inconnus sous leur fenêtre et ce sont tous ces gens qui ont vaincu leur timidité et leur méfiance des autres pour se rapprocher et se mêler à ce que nous appelons et à ce que nous formons collectivement : l’humanité.

La hasard a fait que je suis l’un de ses voisins. Je ne connais pas Matt Mez mais je le remercie pour ce beau geste envers ces inconnus qui l’environnent. Bravo à cet artiste qui nous a fait retrouver l’humanité le temps d’un concert improvisé.

Fred Lecoeur