La nouvelle, récit court, proche du roman sans être trop éloigné du conte, serait un genre mal aimé. Ce désamour est évidemment mesuré en nombre de ventes ; critère économique sans appel mais critère discutable pour mesurer la réelle relation entretenue par les lecteurs avec la nouvelle.
A l’ère du tweet et du SMS, la nouvelle a pourtant des allures de roman fleuve… Elle pourrait de nouveau tirer son épingle du jeu et se distinguer, par le haut, dans le classement des ventes sans que l’on puisse lui faire le reproche de sa brièveté. Le genre à lui seul ne suffit pas. Comme en toute chose, l’étiquette a une valeur relative. Ce qui compte, c’est avant tout la qualité intrinsèque de l’œuvre. Il y a de bons textes et de mauvais textes.
D’un Rectangle de Lumière à un Autre, de Pascal Gouriou, devrait être classé par les lecteurs dans la catégorie des bons textes. Ce recueil rassemble onze nouvelles plus ou moins brèves. Certaines se liront aisément entre deux stations de métro, d’autres s’apprécieront entre deux arrêts de TER et l’ensemble sera fort utile en cas d’annulation de votre train… ou pour un long voyage. Précisons tout de suite que ces nouvelles ne sont pas des « Nouvelles de gare », ce qui en soi, serait un genre nouveau. Quelles soient brèves ou longues, ces nouvelles, une fois l’ouvrage refermé, hantent longtemps les pensées du lecteur. Elles possèdent cette faculté, ou ce sortilège, car elles excellent dans l’évocation imagée de situation et d’ambiance. Souvent, elles empruntent les beaux habits du conte. Il est vrai, le spectacle splendide d’une ville inconnue, l’effervescence du festival Off d’Avignon ou la vision d’une gare et de voyageurs écrasés par une chaleur caniculaire ne peuvent que faire naître des images, des sensations ou même raviver des souvenirs.
On reproche à la littérature contemporaine d’être trop souvent une littérature narcissique : on parle de soi, de son entourage, de ses malheurs, de ses souffrances. On transforme la littérature en une plate-forme sur laquelle on exhibe sans pudeur les affres de son existence avec l’audace de croire que cela va intéresser les lecteurs et mieux, leur apporter quelque chose. C’est oublier que bien souvent les lecteurs subissent les mêmes turpitudes de la vie. Trop souvent, cette littérature « nombriliste » adopte un style qui n’est que le report sur papier du langage oral. Cette simplicité du style est le plus souvent le paravent d’une culture ténue. Difficile de croire que l’on va captiver un lecteur, et lui offrir une évasion, en lui racontant des malheurs qu’il connaît déjà trop bien. Evidemment cette littérature ne trouve pas sa place dans le genre de la nouvelle : le format est trop court pour les longs monologues sur soi-même.
D’un rectangle de Lumière à un Autre est aux antipodes de cette littérature nombriliste. L’auteur ne fait pas de sa vie, et de ses malheurs, le sujet de son ouvrage. L’auteur offre aux lecteurs des vraies œuvres de fiction avec une écriture que certain qualifie de créative. On comprend très vite que l’auteur a lu et même beaucoup lu. Ici, pas de transposition du langage oral. Le style est nerveux et jamais ennuyeux. La lecture du recueil est aisée et peut même surprendre car l’auteur utilise un français fort séducteur.
Le recueil commence par une nouvelle fantastique. Un évènement, improbable statistiquement mais pourtant bien réel, va troubler la nonchalance de trois festivaliers du festival Off d’Avignon. Le hasard n’a-t-il pas les pouvoirs et le sens que l’on veut bien lui prêter ? Cette question que croyait avoir résolu l’un des festivaliers va se révéler coriace au contact de la rationalité. La chute de cette nouvelle laissera longtemps les lecteurs pensifs. L’auteur a l’audace de faire rire le lecteur en l’entraînant dans un spectacle conceptuel et comique à son insu. C’est audacieux, car au final, le rire se figera par le constat du tragique qui frappe la vie des hommes.
Pascal Gouriou évoque des situations susceptibles d’arriver à chacun de nous. Qui n’a pas été perturbé par une situation qui lui échappait, par le sentiment de ne plus rien contrôler et d’un vide qui s’ouvre sous nos pieds ? Une homonymie peut se révéler redoutable et l’auteur ne se prive pas de nous éberluer par le dérapage incontrôlable d’une situation. Passer d’un rectangle de lumière à un autre, d’un foyer à un autre, d’une vie à une autre, contempler ces juxtapositions d’existences qui, pour la plupart, ne se croisent jamais, c’est être pris par le vertige de nos villes tentaculaires.
L’auteur nous fait frôler la folie, la paranoïa, la nostalgie des époques qui se meurent, la solitude des êtres, la force troublante des rêves ou des signes du destin, l’amour, la sensualité et la beauté. Humain, oh combien humain est ce recueil. Il possède cette magie qui fait que chaque homme est capable de briser les frontières étroites qui l’entourent par la force du rêve et de l’imagination.
Au final, peu importe que D’un Rectangle de Lumière à un Autre soit un recueil de nouvelles. Ici, les textes brisent les genres littéraires. Roman, conte, nouvelle, tout cela se mêle. Seul reste le plaisir de la lecture et d’une rencontre fascinante avec de beaux textes qui vous happent et ne vous laissent pas indifférents.
D’un Rectangle de Lumière à un Autre est disponible en version imprimée au prix de 15 euros et sera prochainement diffusé en version Ebook (Epub et format Kindle). La version Ebook sera éditée en deux tomes. Sortez des circuits balisés de l’édition de masse : achetez cet ouvrage et aidez ainsi les éditeurs indépendants et les auteurs écrivant en marge des sentiers balisés et à la mode.
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Editions SQSB