Autographes

Amélie NOTHOMB

A Pascal amicalement, AN (Amélie Nothomb)

La dédicace est courte, chaleureuse et respectueuse. Les mots n’ont pas été ébauchés, les lettres étirées au point de devenir une ligne ondulante et insignifiante. Ce n’est pas un autographe fait à la chaîne avec un temps imparti, millimétré à la seconde près. Certes, on devine dans la concision, la nécessité de passer à un autre lecteur, mais concernant Amélie on lui pardonne car rares sont les écrivains entretenant avec leur public une telle relation de proximité et de chaleur humaine. Avez-vous assisté à une séance de signature ? L’effet est saisissant. Les lecteurs approchent Amélie avec émotion et le plus souvent lui font offrande de cadeaux divers, de lettres cachetées et même, tout récemment, de son propre livre, mais en chocolat.

Stupeur et tremblements. Le titre est comme un éclair sculpté dans la glace : sobre et tranchant, ciselé et étincelant. Tout l’art d’Amélie Nothomb est contenu dans cette sobriété efficace : peu de mots, des mots bien choisis, des mots qui, par leur rythme, leur sonorité, leur sens, claquent comme un drapeau dans un ciel azuré. Tout est dit et bien dit.

On reproche souvent à Amélie Nothomb sa productivité. Une année, un livre. La régularité de l’écrivain  agace. Une telle production ne peut que se faire au détriment de la qualité, de l’originalité et par-dessus tout, cette cadence doit bien avoir quelques visées mercantilistes. Ainsi se résument les critiques adressées à l’auteur.  On sent poindre un peu de jalousie, d’envie et pour certaines critiques, la peur légitime qu’Amélie tue son art comme un amant épuiserait sa fougue sexuelle à trop de mises en pratique.

Un regard jeté sur la production d’Amélie Nothomb depuis Hygiène de l’assassin nous permet de contempler 21 romans publiés depuis 1992. Le lecteur, plus ou moins assidu, retrouve ici et là des constructions qui se ressemblent, l’architecte est le même, des procédés narratifs parfois attendus et alors ? Amélie Nothomb est une conteuse qui prend plaisir à écrire et possède le don d’animer des personnages, de planter des décors et de tracer des lignes de vie de façon convaincante. Comment oublier ces bouteilles de champagne qui flottent dans la cave d’une villa ? comment oublier cette maison au fond des bois autour de laquelle rôde Palamède ? comment oublier la laideur d’Epiphane érigée en performance pour média ? Comment oublier l’immersion jouissive dans le conte que procurent Mercure ou Péplum ? Et puis, il y a Stupeur et tremblements. Cette histoire de la jeune occidentale déambulant comme sous l’effet d’un sortilège sur les étagères d’une bibliothèque sans grains de poussière entre des biscuits (de sèvres) bien ordonnés… La confrontation des cultures est un pur moment de bonheur littéraire.

Depuis Hygiène de l’assassin et quelque soit la production d’Amélie Nothomb, il est rassurant de savoir que cet auteur nous délivre chaque année un ouvrage, il est rassurant d’avoir un auteur bien vivant et prolifique. Il y a toujours le plaisir de peut-être revoir une étincelle qui brillera longtemps dans nos souvenirs, et cette étincelle apparaît certaines années. Amélie est un auteur à part dans la littérature française, sa singularité est un beau cadeau, vivement les vingt prochaines années pour voir sur les rayonnages de nos bibliothèques de nouveaux contes drolatiques, inquiétants, à l’humour grinçant qui viendront rejoindre les ouvrages déjà parus d’Amélie et composer une œuvre cohérente, subtile et acérée.

Photographies d’Amélie Nothomb : PgDeLyon/Editions SansQu’ilSoitBesoin