Autographes

Jean d’Ormesson

Pour Pascal, salut et fraternité (Jean d’Ormesson)Aut2

Pour Pascal, les feuillets sous la coupole. Amitiés (Jean d’Ormesson)

Mes premiers souvenirs de Jean d’Ormesson sont rattachés à une série de la télévision française dans laquelle un patriarche semblait l’ultime lien entre le monde d’hier, celui de l’ancien régime, et le monde moderne, celui qui allait basculer dans une guerre mondiale effroyable. Ce vieil homme habitait un château immense et doté d’une grâce infinie. Il s’agissait de l’adaptation d’ « Au plaisir de Dieu », roman de Jean d’Ormesson, en partie autobiographique.

JO01Jean d’Ormesson aura bientôt 88 ans. Sa vie aura été celle d’un homme doué, aimant les mots, la langue française, la réussite, le regard des autres, la séduction et les femmes. Jean d’Ormesson est un croqueur de la vie, un ami des plaisirs, un duelliste dans la cour des séducteurs, il est de ceux qui captent la lumière. Un homme de talent, un homme avec ses petitesses, mais qui n’en a pas….Relisez certaines pages que lui consacre Roger Peyreffite dans ses propos secrets… mais Peyreffite était aussi à sa façon un duelliste avec ses turpitudes, les coups d’épée ne peuvent que déchirer l’air.

Jean d’Ormesson a beaucoup écrit : presque une quarantaine d’ouvrages. C’est beaucoup, et pourtant, je n’ai lu que “La Douane de mer”, “Du côté de chez Jean” et sa “Réponse au discours de réception de Marguerite Yourcenar à l’académie française”…. Ah oui, comment oublier le combat que mena Jean d’Ormesson pour faire entrer une femme, la première, sous la Coupole. D’abord, la convaincre de se présenter, puis déjouer les pièges, les médisances pour conduire Madame Yourcenar au quai de Conti. Lisez “l’Immortel” d’Alphonse Daudet et vous comprendrez ce monde particulier dans lequel Jean d’Ormesson mena son combat pour l’élection de Marguerite Yourcenar. « Je ne vous cacherai pas, Madame, que ce n’est pas parce que vous êtes une femme qui vous êtes ici aujourd’hui : c’est parce que vous êtes un grand écrivain. Être une femme ne suffit toujours pas pour s’asseoir sous la Coupole. Mais être une femme ne suffit plus pour être empêché de s’y asseoir. » (Réponse au discours de réception de Marguerite Yourcenar à l’Académie française).

Environ une quarantaine d’ouvrages et moi je n’en ai lu que deux et la Réponse à un discours de réception à l’Académie…. Il faut dire que j’ai commencé par “La Douane de mer”, et ce livre m’a profondément secoué, par sa richesse, sa construction, son humour, son originalité, ses points de vue sur les hommes, la vie, la mort et l’au-delà immédiat qui suit le trépas. Difficile deJO05 se remettre d’une telle lecture et de tenter, dans la foulée, une nouvelle aventure avec un autre ouvrage de cet auteur : peur d’être déçu, peur d’effacer le choc reçu par “La Douane de mer”. J’ai bien essayé toutefois d’aborder les livres publiés immédiatement après cette Douane mais fâcheusement, j’ai eu l’impression d’une redite, d’une tentative de renouveler une formule qui avait marché. Alors j’ai renoncé…

Il y a dans l’écriture de Jean d’Ormesson, outre une érudition exceptionnelle, une élégance permanente. Cette élégance n’est pas aseptisée, morne et artificielle. Elle est au contraire pleine de vie, de verve, d’humour. J’ai dans la tête une image, celle de Jean d’Ormesson quittant la librairie Decitre à Lyon après une séance de dédicaces, je le vois sortir de la librairie avec un imper jeté sur l’épaule, accompagné d’une jolie femme. Ils avancent en direction de la place Bellecour, ils sont élégants, l’âge n’a pas de prise sur cet homme qui soudain paraît jeune, alerte et insouciant. « L’homme est un fruit de la nature, la science est un fruit de l’homme ; l’homme a chassé la nature, la science chassera donc l’homme : je ne suis pas tout à fait sûr que les événements se plient à ce parallélisme et suivre ce chemin tout tracé. Je crois que l’homme est autre chose qu’une étape dans une histoire. Je crois qu’il est la fin de cette histoire. Et c’est pour cette raison que sa vie est sacrée. » (La Douane de mer).

JO03Si Jean d’Ormesson est un homme de culture qui connaît l’histoire des hommes mieux que quiconque, il ne faut pas le percevoir comme un gardien farouche du passé. Un passé qu’il tenterait de protéger d’un présent toujours prêt à bousculer l’ordre établi. Bien au contraire, Jean d’Ormesson  a cette vision d’un monde qui se transforme sans cesse, se métamorphose et s’inscrit dans une dynamique permanente et chargée d’espoir : « Il y a pourtant quelque chose de plus fort que la tradition : c’est la vie et son mouvement. Pourquoi les héros de roman passent-ils leur temps à se révolter ? Pour la même raison qui oblige les grands hommes à faire bouger l’histoire. A la splendeur du souvenir et de la fidélité répond l’ardeur de l’annonce, de l’attente, de la promesse. L’histoire est une continuité ; elle est aussi une impatience. Elle regarde vers demain comme elle regarde vers hier. Tourné vers l’avenir autant que vers le passé, les traditions (comme les femmes) sont faites pour être à la fois respectées est bousculées. » (Réponse au discours de réception de à l’Académie française de Marguerite Yourcenar).

La collection Bouquins chez Robert Laffont rassemble différents textes de Jean d’Ormesson. C’est une belle occasion de plonger dans son univers littéraire et de passer un peu de temps en compagnie d’un honnête homme.

Photographies de Jean d’Ormesson : PascalDeLyon/Editions SansQu’ilSoitBesoin

(Publication initiale : 26 avril 2013)