Auteurs, Littérature

Jérémie SALLUSTIO, auteur belge contemporain

Le 9 mars 2013, en milieu d’après-midi, j’ai vu approcher un jeune homme de la table derrière laquelle je me trouvais. J’étais assis, en séance de dédicace à la foire du livre de Bruxelles.

Un bonjour emprunté mais cordial suivi d’une poignée de main puis le jeune auteur, il était là pour dédicacer deux ouvrages, a pris place juste à côté de moi. D’une main sûre, il a fait surgir deux petites piles de livres fraichement sortis des presses de l’imprimeur. Immédiatement mon regard a été attiré, comme aimanté, par l’un des deux ouvrages dont la couverture bleue tachetée de jaune semblait hurler : saisissez moi ! ouvrez moi ! lisez moi !

Après quelques échanges verbaux, ma main a plongé en direction de la pile et j’ai ouvert ce petit livre bleu moucheté d’or. Surprise ! Des textes courts, des aphorismes, une typographie joueuse et colorée, des images en couleur, l’ensemble faisait l’effet d’un grand coup de pied dans le morne agencement des lignes de mots qui s’étirent dans la plupart des ouvrages. Un air frais, riche en oxygène, balaya mon ennui. Le titre du livre me fit l’effet d’une stimulante gifle : « Trois petits points de suspension, parsemés d’Allumettes et de Pieds de nez ».
« Qui n’a voulu un jour saisir plus, saisir mieux, saisir autrement, et les êtres et les choses, pas avec des mots, ni avec des phonèmes , ni des onomatopées, mais avec des signes graphiques ?

Qui n’a voulu un jour faire un abécédaire , un bestiaire, et même tout un vocabulaire, d’où le verbal entièrement serait exclu ? » Henri Michaux dans Saisir, 1979.

Jérémie Sallustio, il s’agit de ce jeune homme au livre bleu, est un poète belge qui décolle les mots du dictionnaire pour produire d’intrigantes poésies, des aphorismes bien vus et des haïkus sonnants comme le fouet qui cingle l’air : « Tu es brillant mais tu ne finiras pas en poussière d’étoile», « Il est des recoins du silence qui ne manquent pas de brouhaha», « Hausser les épaules ne vous élève pas au rang de Stoïcien»….

Ce jeune poète tente de dépasser la seule expression d’une pensée par les mots pour combiner mots et graphisme, couleur et représentations historiques ou symboliques. Il ne se dirige peut-être pas vers une exclusion radicale du verbe comme Henri Michaux mais vers son association permanente avec des signes graphiques.

Jérémie dit avoir eu une naissance dramatique à Tombouctou, avoir provoqué l’évanouissement des sages femmes qui l’approchèrent dont quatre moururent… A l’âge de deux ans, il se passionna pour le bilboquet, puis plus tard, pour les fourmis rouges, devint ermite, rencontra dans sa solitude la notoriété qu’il renvoya sans doute à Tombouctou… Il vit  quelque part sur Terre mais il est très difficile de le géolocaliser, les territoires de l’imaginaire ne sont pas encore surplombés de satellites bourrés d’électronique…

Jérémie Sallustio a d’innovantes ambitions : saisir l’air du temps et produire des livres à haute garantie lacrymale, publier des ouvrages où la couleur est au service de la pensée et des mots, où la typographie se joue parfois de la ligne droite. Il aime la poésie et rejoint cette grande et brillante famille des poètes, ceux qui se moquent des ventes et de la mode. Ce jeune auteur écrit et publie, il anime un site internet au graphisme élégant et ménageant les découvertes au gré des clics et des balades de la souris sur le tapis. Son univers est accessible sur le site bien nommé « Jérémiades » à l’adresse suivante : http://jeremie-sallustio.com/#, ses livres sont diffusés sur internet via le site de l’imprimeur Thebookedition.com(http://www.thebookedition.com/jeremie-sallustio-trois-petits-points-de-suspension-p-91525.html)

Auteur belge de langue française, Jérémie Sallustio entretien des affinités intellectuelles avec Baudelaire, Rimbaud, François Jacqmin, Alfred Jarry ou Francis Ponge… Ses aphorismes révèlent le regard porté sur le monde tout comme ses haïkus. Regard teinté de causticité ou simplement regard lucide. En lisant Jérémie Sallustio, je pense à cette « récolte de la tomate sur le bord de la mer rouge par des cardinaux apoplectiques», image d’Alphonse Allais. Pour ma part, je préfère l’image de cardinaux apoplectiques dans un champ de coquelicots… Le jeune poète belge fait naître de sympathiques et parfois humoristiques pensées par ses associations de mots, de couleurs et de photographies. J’ai retrouvé mon coquelicot dans l’œuvre de Jérémie Sallustio : « Il épinglait toujours sur sa poitrine un coquelicot, une étoile que le tutoiement avait fait rougir».

Pour conclure cet article, l’un des trente-trois tours de Jérémie Sallustio, Le mazout :
Modeste, le mazout ;
Il ne chuchotera sa beauté
Qu’en mourant sur la route

Tous les textes de Jérémie Sallustio sont extraits de son site, de « Trois petits points de suspension, parsemés d’Allumettes et de Pieds de nez » et de « Trente-trois tours ».